Requin blanc, tortue ou étoile de mer : quel est votre capacité de développement ?

Il me semble important d’expliquer un point qui est souvent passé sous silence, ou simplement jamais même envisagé, quand on parle de création d’entreprise. Ce point c’est sa capacité à monter en puissance. Cela semble être un point anodin : une entreprise monte en puissance en fonction de son marché et de sa capacité à y capturer des revenus. Du coup la croissance est relativement linéaire des premiers milliers d’euros de CA, jusqu’au premier million, et aux suivants s’il y en a.

En pratique, ce n’est absolument pas le cas et j’ai l’habitude de classer les startups ou entreprises en création dans trois grands paniers, dépendant de leur cycle de croissance :

  1. Les étoiles de mer qui vont plafonner rapidement compte tenu de la nature de leur marché ;
  2. Les tortues qui peuvent se développer pendant très longtemps si elles parviennent à manoeuvrer correctement et si leur équipe de direction souhaite toujours aller de l’avant ;
  3. Les requins blancs qui par nature vont avoir une croissance explosive.

Les entreprises qui plafonnent rapidement sont celles qui adressent une niche de marché étroite, qui sont contraintes par une zone de chalandise spécifique, ou qui ont un cycle de vente fondamentalement instable. Il y en a beaucoup plus que ce que l’on pense et elles ne sont pas dans une “bonne” ou “mauvaise” position. Par exemple, un cabinet de consultant est par nature un business d’envergure limité, de par la difficulté à agréger des talents individuels sans le dénaturer. Beaucoup d’activités sont ainsi limitées non pas parce qu’elles adressent un petit marché, mais parce qu’il n’est pas possible de les faire fonctionner à une échelle industrielle sans les dénaturer.

Les entreprises qui peuvent se développer longtemps semblent être la norme dans tous les livres de management. Si vous travaillez dans le marché du luxe, on peut imaginer démarrer avec une production confidentielle, qui prend de l’ampleur, devient régionale puis nationale et finit par s’étendre à l’export. En réalité, c’est beaucoup plus compliqué et si vous suivez ce programme c’est probablement parce que vous avez transformé votre business model de nombreuses fois, avec un parcours assez chaotique. A chaque fois ce ne sera plus vraiment la même entreprise. Mais votre activité va vous autoriser une survie à différents stades de développement, voire même d’y rester si vous le souhaitez.

Enfin, il y a les entreprises qui ne peuvent pas choisir et doivent avoir une croissance explosive. Souvent centrées sur le web, elles adressent des marchés où l’espace concurrentiel doit être saisi à grande échelle très vite, sous peine de ne jamais prendre pied sur un terrain solide. Un service web grand public doit en 2011 viser rapidement son premier million de clients, sous peine de ne jamais démarrer. Ces clients pouvant être payants ou non, à ce stade ce n’est même pas le débat.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que dans un univers économique largement déprimé, l’écosystème entrepreneurial est surtout favorable aux entreprises de type 1, que j’appelle les étoiles de mer : elles sont résilientes, restent en dessous du radar des gros acteurs et peuvent changer de mode fonctionnement rapidement avec peu de ressources. Et dans une moindre mesure d’entreprises de type 3, que j’appelle les requins blancs : très agressives, elles croissent vite pour pouvoir survivre et devenir leader de leur secteur. Les entreprises de type 2, les tortues de mer, ont elles des phases de survie très critiques au départ, que souvent elles ne dépassent jamais (les fameux 3 ans en France…), mais ensuite peuvent vieillir très longtemps avec une croissance régulière.

Si les tortues de mer font un peu vieille école, elles sont le seul modèle de l’entreprise que l’on comprenne réellement en France. Il est saisissant de constater que c’est le seul modèle qui est aidé et soutenu sur le territoire. Par opposition dans le microcosme des startups technologiques ce sont les requins blancs qui sont les seuls privilégiés (ou les gazelles, dans une taxonomie qui n’est pas à un paradoxe près). Or mon esprit de contradiction très développé, me pousse à croire que l’on sous-estime grandement l’intérêt des étoiles de mer et qu’il faudra que je vous en reparle plus avant une prochaine fois. De façon notable, ces étoiles de mer survivent par exemple très bien dans les océans rouges