Pour continuer dans cette série d’articles sur la constitution d’équipe, nous allons adresser le deuxième dysfonctionnement des équipes : la peur de la confrontation.

L’élan entrepreneurial est souvent caractérisé par de l’enthousiasme et une certaine prise de risque, permettant la création de la start-up. Dans cet élan, le porteur de projet s’entoure d’une équipe initiale composée de membres sélectionnés en partie pour des raisons de compatibilité inter-personnelle (valeurs et attitudes communes et relations d’amitié) et en partie par complémentarité de ressources (compétences, finance, réseau etc.) D’ailleurs il est prouvé qu’une équipe entrepreneuriale a plus de chance de survivre à 3 ans qu’un entrepreneur solo.

Cependant, une fois la start-up constituée, l’équipe entrepreneuriale va devoir se transformer en équipe dirigeante. Cette transition n’est pas évidente et la recherche a montré que l’équipe entrepreneuriale a moins de chance de survie que l’entrepreneur solo à 5 ans. Donc nous passons bien d’une logique de création d’entreprise où la complémentarité des ressources est un avantage à une logique de management pour laquelle la diversité des profils et les jeux de pouvoir complexifient et rendent plus difficile la prise de décision stratégique et la gestion du développement de l’entreprise.

Ce qui nous amène à notre sujet du jour : pour fonctionner durablement une équipe a besoin de confrontation saine, c’est-à-dire que l’équipe doit être capable de confronter les différentes idées et perspectives de chacun afin d’enrichir les discussions, faire remonter et résoudre les problèmes, penser la stratégie, fixer les objectifs et les rôles etc. L’équipe doit pouvoir tirer partie de sa diversité tout en trouvant des moyens de gérer les désaccords inévitables.

Le problème peut survenir lorsque l’équipe qui s’est constituée par affinité ou par amitié. En effet, la peur de la confrontation peut être plus forte dans ce cas, car la confrontation mal gérée peut se transformer en conflit et nuire à la relation amicale. Pour éviter ce conflit, les porteurs/associés entretiennent une certaine harmonie artificielle, où les non-dits se développent, les frustrations grandissent mais ne sont pas partagées, et le malaise devient pesant. Du coup, les problèmes ne sont pas adressés ouvertement, et la performance de l’entreprise commence à en pâtir.

Cette réalité est trop souvent ignorée et ou non-anticipée, donc lorsque je mentionne le sujet en formation ou en accompagnement j’entends souvent “mais nous on s’entend bien”, “ça ne nous arrivera pas” etc. Et malheureusement, et ça les chargés de mission en incubateurs et pépinières le confirment, j’ai souvent raison : quand on démarre l’enthousiasme initial et l’amitié vont de paire, mais lorsque les difficultés montrent leur nez, la relation professionnelle devient plus tendue au point même d’amener à l’échec du projet.

Mais je ne souhaite en aucun cas décourager toutes ces belles aventures entrepreneuriales en équipe, au contraire je souhaite les encourager en les aidant à anticiper les risques relationnels. Pour chaque start-up on trouve des modes de fonctionnement qui leur sont propres, mais voici deux éléments clés qui se révèlent souvent très efficaces :

  1. Organiser des discussions ouvertes régulières
  2. Mettre en place un processus clair de prise de décision

Pour le premier point, une fois la confiance créée, il suffit d’échanger régulièrement avec toute l’équipe entrepreneuriale, tout en acceptant que la confrontation est possible voir même encouragée. Le débat d’idées est important pour l’entreprise, et tout le monde doit sentir qu’il est écouté. Tous les problèmes doivent être adressés. Et la bienveillance doit être le maître mot. On peut ne pas être d’accord et rester cordial et respectueux des opinions des autres. Plus le débat est animé, plus c’est un signe que les personnes sont investies et engagées dans la réussite de l’entreprise.

Pour le deuxième point, il est important que soit décidé à l’avance (avant que les grandes décisions, ou décisions difficiles soient à l’agenda) comment les associés vont prendre les décisions. Va-t-il y avoir une discussion sur les options suivie d’un vote ? Qui vote ? Quel est le poids d’un vote ? Vous pouvez chercher le consensus, mais si vous n’arrivez pas à un accord et que  vous êtes deux, qui tranche ? Alors évidemment ici on peut parler de la part au capital de chaque associé. Si vos chargés de mission vous ont conseillé d’éviter le 50/50 c’est pour une bonne raison… Eviter la non-décision pour cause de désaccord. On recommande le 49/51. Si vous n’arrivez pas à décider qui aura les 51% et bien certains ont tiré à pile ou face. Pourquoi pas, ce qui compte c’est de se mettre d’accord très tôt, afin de savoir gérer les décisions difficiles plus tard.

Pour éviter le deuxième dysfonctionnement de l’équipe, il est donc important de partager régulièrement, de s’autoriser à ne pas être d’accord et de savoir comment gérer ces désaccords.

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