La coopétition comme stratégie d’innovation de sa concurrence

La coopétition est une stratégie originale de gestion de sa compétition sur les marchés. Le terme est un amalgame de coopération et de compétition. Et vous l’aurez donc compris, il va s’agir de collaborer avec certains de ses compétiteurs pour tenter de capturer un bénéfice commun.

L’exemple le mieux connu jusqu’à présent est le fait que Google soit le financeur majoritaire de la fondation Mozilla qui développe et distribue Firefox, le navigateur open source concurrent entre autre de Chrome. Si l’intérêt de Mozilla a recevoir de l’argent est assez clair, quel est celui de Google ? Et bien il s’agit d’abord de déstabiliser les deux autres concurrents potentiellement plus puissants : Internet Explorer de Microsoft et de plus en plus, Safari d’Apple. D’autre part Google ne vend pas Chrome, mais de la publicité sur des mots clefs en ligne. Google a donc tout intérêt à avoir des navigateurs concurrents ou non, qui utilisent mieux et le plus rapidement possible son nuage de services (la recherche, Gmail ou Google Docs).

Ce type de marché présente des situations concurrentielles complexes et des stratégies à plusieurs niveaux, qui permettent de la coopération jusqu’à un certain point, puis de reprendre ailleurs une position de confrontation.

Mais cela peut aussi être mis en oeuvre pour des activités plus banales. Je suis étonné et ravi de voir apparaître des cartes d’infidélité pour les clients chez de nombreux cafés aux US et en Europe. Le principe peut sembler bizarre : vous allez consommer dans un café et recevez une carte qui vous donne un café gratuit… Si vous allez consommer neuf autres cafés chez des concurrents !

Quel intérêt me direz-vous ? Très simple : faire front, éduquer les clients en ce qui concerne le “bon” café et surtout, surtout… Les écarter des Starbucks.

Ce modèle ramène aux débuts de la théorie de la coopétition, où des auteurs comme Raymond Aron décrivaient dans les années 60, pourquoi le club des puissances nucléaires ennemis, ou au mieux rivales, s’accordait parfaitement pour empêcher l’émergence de tout nouveau pays pourvu de la technologie nucléaire. Et il est intéressant de voir qu’aujourd’hui que ce phénomène apparait assez souvent pour délimiter deux niveaux de concurrence : un niveau acceptable dans lequel on se bagarre avec un certain “fair play” (les petits cafés entre eux), et un autre niveau dans lequel on estime ne plus être en situation de tirer son épingle du jeu et où se regrouper devient finalement l’alternative raisonnable (face à Starbucks).

C’est aussi réaliser que nous sommes de plus en plus dans une économie de réseaux, où les interdépendances sont fortes, et où il est difficile de persister à croire qu’un concurrent ne peut être qu’un obstacle sur la route, un ennemi à abattre. En stratégie de leadership produit, il peut être par exemple remarquablement d’efficace de faire le travail d’évangélisation du marché à plusieurs, sans chercher à s’épuiser à faire la course en tête : pourquoi ne pas sacrifier un peu de part de marché, si on arrive à largement étendre les limites de celui-ci ? La limite de la formule sera ensuite celle de l’entente illicite.

Pour en aller plus loin, je vous conseille un bref article (en anglais) d’IBM intitulé : Strategic co-opetition: The value of relationships in the networked economy.