Oui je reconnais que c’est un sujet d’été, mais pas uniquement.

Pour la plupart des personnes l’aéroport est un mal nécessaire, une sorte de bizutage à accepter avec philosophie avant de pouvoir atteindre un lieu de vilégiature espéré depuis des mois. Pour les professionnels voyageant régulièrement, un aéroport ressemble plus à cela…

Pour les personnes travaillant autour de l’innovation, un aéroport est aussi un terrain de réflexion passionnant, puisque ce lieu doit cumuler plusieurs caractéristiques toutes opposées les unes aux autres :

  • Un point de passage, de croisement et d’orientation efficace de milliers de personnes par jour, avec le moins de goulets d’étranglements possibles et des trajets optimisés ;
  • Un hub d’information et d’orientation clair pour ces mêmes personnes, qui souvent se trouvent dans des contraintes de temps, de langue et de décalage horaire ;
  • Un endroit sous haute vigilance, ou voyageurs, professionnels navigants et personnels sédentaires doivent interagir dans des conditions de sécurité les plus strictes possibles ;
  • Et quand on encore le temps d’y penser, un lieu pouvant être agréable, réconfortant et diminuant le stress lié au voyage.

Je ne suis pas capable de vous faire une critique complète de ce qu’est un aéroport sous l’angle de l’innovation (mais je suis preneur d’une mission sur le sujet qui serait certainement passionnante). Laissez-moi quand même souligner quelques points qui me frappent systématiquement partout sur la planète :

En 2012, il n’est pas idiot de supposer qu’un passager lambda s’attend à pouvoir utiliser son mail dès qu’il a une heure devant lui, vérifier ses réservations sur son point d’arriver ou prendre simplement des nouvelles de ses proches sur Facebook.

L’état de l’art sur le sujet est de proposer une connexion WiFi gratuite limité à 30 min, en demandant un mot de passe à un point d’accueil. Mais en général c’est un guet-apens idéal pour les opérateurs locaux qui vont se faire une joie de vous proposer l’heure de connexion à un débit proche du RTC, à une quinzaine d’euros. Il va falloir se réveiller, même les hôtels ont fini par rendre les armes sur le sujet et accepter la “gratuité” de la connexion, tout comme pour l’eau et l’électricité dans la chambre (lisez : c’est inclus dans la prestation).

L’alternative pour les aéroports fastueux (Abu Dhabi, Singapour, Tokyo…) est de trouver des sortes de cybercafés internes et gratuits qui ressemblent à cela :

Outre l’ergonomie exécrable de ces postes, qui utilise encore ses mots de passe sur des terminaux publics ? Par ailleurs est-ce que vingt ou trente postes sont censés couvrir les besoins en connexion d’un aéroport international où qu’il soit sur la planète ? Mais le pire est que si vous réglez d’une façon ou d’une autre le problème de la connexion, vous serez probablement incapables de trouver la moindre prise de courant autour de vous.

Bien sûr si vous voyagez en business, tout cela est aimablement réglé par l’accès à des salons VIP spécifiques.

En terme d’innovation, on comprend donc le décalage qui s’est créé dans la conception de ces bâtiments et de leurs services, en regard de la banalisation de l’internet mobile et des services grands publics associés. Mêmes les aéroports les plus récents ont été conçus avec l’idée que seuls quelques cadres VIP armés de Blackberry derniers cris (ce qui est une oxymore — RIM étant dépassé sur tous les fronts depuis 2007) pouvaient exiger un accès internet en déplacement. Aucun architecte concerné n’a été mis au courant d’Instagram, AirBnB ou de Square…

Par certains détails on peut aussi constater que des innovations semblent essayer de percer de ci, de là. Je vois par exemple de plus en plus d’écrans tactiles dans les toilettes d’aéroports :

Bonne idée me direz-vous ? Oui probablement. L’interaction pour le suivi de la satisfaction des usagers est suffisante, le support multi-langues présent et si les développeurs de ces solutions n’étaient pas outrancièrement feignants, nous pourrions même avoir une visualisation sur le mois ou la semaine, de la qualité perçue.

En réalité j’ai deux problèmes avec cela.

Le premier problème est simple : l’idée d’associer du tactile dans une zone à fort passage dont l’hygiène sera forcément… relative, me fait hurler. Et le deuxième problème est encore plus clair si vous voyez tout le dispositif :

Cela signifie que le personnel d’entretien continue lui de noter à la main ses horaires de passage. Il y a donc zéro innovation dans l’approche : nous ne parlons pas d’un système intégré autour de l’entretien de ces lieux, dans lequel le personnel pourrait lui interagir, adapter ses heures de passage en fonction des alertes d’insatisfaction des utilisateurs, etc. Mais simplement d’un écran tactile, servant de gadget marketing à la société gestionnaire de l’entretien.

A partir de ces deux exemples plus ou moins anecdotiques, mais frappant en ce qui me concerne, je vous laisse le soin de réfléchir à l’incroyable gymnastique de la sécurité et du suivi des bagages à une époque où RFID ou NFC devraient être monnaie courante.

Sur le sujet de la sécurité, les aéroports américains détiennent d’ailleurs la palme des aéroports les plus haïs par les passagers. Les infâmes procédures de fouille de la TSA qui se sont répandues dans le monde, étant devenues un mème puissant sur internet :

Vous pourrez aussi vous amuser à constater que les aéroports construits avant les attentats du 11 septembre, ont pour la plupart la plus grande surface, leurs magasins et restaurants avant les zones de fouille des passagers. Nous étions dans un monde où passer en “zone internationale” était la dernière étape avant le vol lui-même. Depuis les aéroports ont été conçus pour fouiller les passagers le plus vite possible et avoir le maximum de surface après les zones de contrôles, dans un espace sanctuarisé où les déodorants vendus en boutique sont garantis sans explosifs. Belle utopie non ?

Pour conclure il est certainement facile de taper sur l’organisation générale d’un aéroport du côté client et si je prenais plus de temps, je pense que je pourrais commencer à écrire un livre sur le sujet. Il faut cependant discerner la raison sous-jacente à ces déficits. C’est la même raison qui fait que vous allez acheter un véhicule flambant neuf équipé d’un système GPS qui semble avoir une ergonomie et des technologies de cartographies datant d’il y a 3 ans… Les cycles technologiques ne sont pas les mêmes : un véhicule demande en effet 2 à 3 ans de conception, alors que les technologies GPS sont pratiquement renouvelées tous les 6 mois (je parle du produit complet  bien entendu, pas de la liaison satellite). De même, c’est au cours du très long cycle de conception d’un nouvel aéroport, que sont agrégés les technologies de pointe et les usages clients du moment. A la livraison le décalage est énorme.

Ces quelques anecdotes pourraient finalement conduire à des méthodes de conception des objets industriels complexes de façon plus modulaire. Un constructeur automobile en 2012 ne devrait-il pas s’assurer simplement de renoncer à tout développement de GPS et système de gestion de la musique, pour simplement offrir de quoi connecter la plupart des smartphones ? Dans les aéroports, que voudrait dire la conception d’espaces passagers évolutifs, capables d’accepter l’intégration de nouvelles technologies sur une durée de 20 ou 30 ans ?

De beaux sujets d’innovation et de design !

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